Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/213

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à faire rompre le voyage de Claſomene ; luy diſant que c’eſtoit pour ſon intereſt ſeulement, & parce qu’elle ne pouvoit ſe reſoudre à perdre la Princeſſe : Andramite luy dit que la choſe n’eſtoit plus en termes de cela : je que ce voyage eſtoit ſi abſolumemt reſolu, qu’il eſtoit impoſſible de le rompre. Voila donc Abradate dans une douleur eſtrange : Panthée ne fut pas auſſi ſans affliction : car elle voyoit bien que le deſſein de ceux qui l’eſloignoient de ce Prince, eſtoit qu’il ne la reviſt jamais : neantmoins comme elle a l’ame grande & ferme, elle cacha de telle ſorte la douleur qu’elle avoit, que celle d’Abradate en augmenta encore de la moitié : luy ſemblant que l’amour qu’il avoit teſmoigné avoir pour la Princeſſe ; meritoit bien que du moins elle luy fiſt voir quelque melancolie ſur ſon viſage, & peut-eſtre meſme quelques larmes dans ſes yeux. Il ſe pleignit donc de ſon inſensibilité, avec tant d’emportement, que la Princeſſe fut obligée de ſouffrir pour l’apaiſer qu’il la viſt chez Doraliſe : de crainte qu’il ne priſt quelque reſolution trop violente : car comme la Princeſſe devoit partir dans deux jours, il n’y avoit point de temps à perdre. Il la vit donc chez Doraliſe : & il l’y vit ſi triſte ce jour là, qu’il eut lieu d’eſtre auſſi ſatisfait de la tendreſſe de ſon affection, qu’il l’eſtoit peu de ſa mauvaiſe fortune. Toute cette converſation fut la plus douloureuſe du monde : auſſi cette ſeparation avoit elle tout ce qui la pouvoit rendre inſuportable : puis que non ſeulement Abradate eſtoit cauſe que Panthée quittoit Sardis : mais ce qui eſtoit le plus fâcheux, eſtoit que cette abſence n’avoit point de bornes : & que la Princeſſe ne pouvant jamais rien vouloir contre ſon devoir, diſoit toujours à Abradate, qu’elle ne vouloit