rencontré Perinthe pour luy en parler : & il fit en effet deſſein de l’entretenir de ſa joye le jour ſuivant. Mais helas, ce malheureux Amant ne ſongeoit guere à recevoir ſa viſite, non plus que celle du Medecin que la Princeſſe luy envoya ! qui voulant s’aquiter exactement de ſa commiſſion, fut le voir ſi matin, qu’à peine le Soleil eſtoit il levé. Il ne le trouva pourtant pas endormy, car ſes ennuis ne luy permettoient pas de repoſer un moment : & des qu’il entra dans ſa Chambre, il luy vit le viſage ſi changé, qu’il ne douta pas qu’il ne fuſt plus malade qu’à l’ordinaire. Il luy dit donc, qu’il s’eſtonnoit qu’il ne l’euſt pas envoyé querir : & luy aprit en ſuitte, l’ordre qu’il avoit reçeu de la Princeſſe, de luy rendre conte de ſa ſanté. Au nom de la Princeſſe, Perinthe treſſaillit, car il n’avoit pas preveû que cet homme luy deuſt rien dire de ſa part : puis s’eſtant remis un moment apres, il dit à ce Medecin, qu’il eſtoit infiniment obligé à la Princeſſe, des ſoins qu’elle prenoit de luy : & qu’il luy eſtoit auſſi tres redevable, de ceux qu’il vouloir prendre de le guerir : mais qu’il le ſuplioit de ne s’en donner pas la peine. Qu’il luy advoüoit, qu’il eſtoit las de faire des remedes inutilement : & qu’il eſtoit reſolu d’eſſayer ſi la Nature toute ſeule ne le gueriroit pas pluſtost, que tout l’Art de la Medecine. Pendant que Perinthe parloit ainſi, cét homme luy porta la main ſur le bras, quoy qu’il s’en vouluſt deffendre : & trouva que ſon pouls eſtoit tantoſt foible & inegal ; & tantoſt viſte & eſlevé : de ſorte que ne pouvant croire qu’il n’euſt pas beſoin de remedes, il s’obſtina longtemps à luy vouloir perſuader d’en faire : & ſi longtemps que Perinthe s’en fuſt fâché, ſi ce Médecin accouſtumé à avoir quelque indulgence pour les malades qu’il
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