Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/228

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voy bi ? que la bonté qu’à la Princeſſe de s’interreſſer en la vie du plus fidelle de ſes ſerviteurs, vous oblige à parler comme vous faites, & vous preocupe à mon avantage : eſtant certain qu’à conſiderer ce que je ſuis veritablement, je ſuis fore indigne de l’honneur que je reçois de vous : & ſi indigne enfin, que ſi j’oſois je vous ſuplierois de ne m’en faire plus tant, Vous eſtes trop modeſte, repliqua Abradate, car quand vous ne ſeriez pas auſſi honneſte homme que vous le paroiſſez eſtre, à ceux qui ſe connoiſſent le mieux en honneſtes gens ; & que vous ne ſeriez que le Liberateur de Panthée, voſtre vie me devroit touſjours eſtre tres chere. Mais eſtant tout enſemble un homme tres accomply ; le Liberateur de ma Princeſſe ; & fort de mes Amis ; je dois ſans doute vous forcer à faire tout ce qu’il faut pour vivre, & pour vivre heureux. A ces mots, Perinthe fit un grand ſouspir, & levant les yeux au Ciel, il tourna la teſte à demy de l’autre coſté, pour cacher le changement de ſon viſage, Abradate remarquant l’action de Perinthe, commença de ſoubçonner que ſon eſprit pouvoit eſtre auſſi malade que ſon corps : neantmoins n’en imaginant pas la veritable cauſe, il creut que peuteſtre n’avoit il point d’autre deſplaisir que celuy de voir que le Prince de Claſomene n’avoit encore rien fait pour luy : & que la Princeſſe s’eſloignant il perdroit le plus grand ſuport qu’il euſt. De ſorte que voulant deſcouvrir ſi ſes ſoubçons eſtoient bien ou mal ſondez ; apres quelques autres diſcours, où Perinthe reſpondit peu, il luy dit que c’eſtoit une eſtrange choſe, de voir qu’il vouluſt renoncer à la vie, dans un temps où elle alloit commencer d’eſtre plus douce pour luy, qu’elle n’avoit jamais eſté. Ha Seigneur, s’écria t’il, vous jugez