tout ce que j’ay voulu faire, ne doit eſtre conſideré que comme un effet de ma reconnoiſſance. Mais de vouloir obtenir par la force, ce qu’on doit aquerir par ſervice & par ſoumission, eſt une choſe effroyable : encore ſi la captivité de la Princeſſe Mandane avoit des bornes, l’eſperance de la liberté pourroit rendre ſa priſon plus douce : mais de vouloir qu’elle ne ſoit delivrée qu’apres que j’auray deffait une puiſſante Armée, conduitte par trois Grands Princes, & conqueſté un Grand Empire, eſt un injuſtice eſtrange, & dont je ne vous croyois pas capable. Au contraire je penſois que vous aimeriez mieux devoir ma deffaite à voſtre propre valeur, qu’à celle de ces deux cens mille hommes, qui ſont dans l’Armée de Creſus : c’eſt pourquoy j’avois eſperé, que ſous accepteriez je combat que je vous avois envoyé offrir. Qu’importe meſme au Roy de Lydie, que nous terminions nos differens, devant que la guerre ſoit terminée ? puis qu’encore que j’euſſe le bonheur de vous vaincre, je ne demande la Princeſſe Mandane, qu’en rendant la Reine de la Suſiane, & la Princeſſe Araminte. Au nom des Dieux, adjouſta Cyrus, remettez la raiſon dans l’ame de ce Prince : & aidez moy à delivrer la Princeſſe que nous adorons, quoy que ce ſoit vous qui la teniez captive. Pluſt à ces meſmes Dieux au nom deſquels vous me conjurez, reprit le Roy de Pont, que je fuſſe en eſtat de faire tout ce que la raiſon voudroit que je fiſſe : car ſi cela eſtoit, je combatrois ma paſſion & la vaincrois ; je remettrois la Princeſſe Mandane en liberté ; & acceptât tant d’offres genereuſes que vous m’avez faites, je ferois ſucceder l’ambition à l’amour, & ne ſongerois plus qu’à remonter au Throſne par voſtre valeur. Que ſi je ne pouvois vaincre ma paſſion, du moins ferois-je ce que je pourrois,
Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/270
Apparence