Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/286

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mais il eſt encore plus vray, que je n’ay jamais pû obtenir de cette imperieuſe paſſion aſſez de pouvoir ſur moy meſme, pour me reſoudre à m’eſloigner de Panthée : & j’eſperois ſeulement que je l’aimerois ſans qu’elle s’en aperçeuſt. Que n’en avez vous du moins uſé ainſi ? reprit Cyrus : car tant qu’elle auroit ignoré voſtre amour, je ne l’aurois jamais sçeuë : ou ſi je m’en eſtois aperçeu, je vous aurois pleint au lieu de vous accuſer. Ha Seigneur, s’eſcria Araſpe, le hazard ſeul a fait mon crime ! eſtant certain que je m’eſtois repenty du deſſein que j’avois eu de luy deſcouvrir ma paſſion : & que la Lettre qu’elle a veuë, elle l’a veuë malgré moy, Cyrus jugeant alors qu’il faloit qu’il y euſt quelque choſe que la Reine de la Suſiane ne luy avoit point dit, & que Doraliſe & Pherenice ne sçavoient pas, ou avoient fait ſemblant d’ignorer ; il le preſſa de luy dire tout ce qui c’eſtoit paſſé entre elle etluy. Il luy aprit donc, qu’il l’avoit aimée, dés qu’il l’avoit veüe : qu’il avoit combatu ſa paſſion autant qu’il avoit pû : qu’en ſuitte ne la pouvant vaincre, il l’avoit cachée avec beaucoup de foin : mais qu’apres tout, depuis quelques jours il luy avoit eſte impoſſible de ne la deſcouvrir pas, par cent actions qu’il avoit faites malgré luy. Qu’il luy confeſſoit encore, qu’il avoit eu intention d’en dire ou d’en eſcrire quelque choſe à Panthée : mais que dans le choix des deux, il avoit mieux aimé eſcrire que parler. Quoy Araſpe, interrompit Cyrus, vous avez eſcrit une Lettre d’amour à Panthée ; ouy Seigneur, repliqua t’il, mais m’en eſtant repenty, je fis deſſein de ne la luy pas faire voir. Neantmoins comme il me ſembloit qu’elle expliquoit aſſez bien mes ſentimens, je la gardois ſans sçavoir pourquoy : & je portois les Tablettes