dire à deux Perſonnes d’eſprit, & d’eſprit paſſionné : elle ſe mit à luy exagerer les bontez de Cyrus : apellant à teſmoin. de ce qu’elle diſoit, Cleonice, Doraliſe, & Pherenice qui eſtoient dans ſa Chambre : s’affligeant aveque luy de ce qu’il eſtoit engagé dans un Party ſi injuſte comme eſtoit celuy de Creſus : & au ſervice d’un Prince ſi peu reconnoiſſant ; qu’il luy refuſoit un Priſonnier pour luy faire obtenir ſa liberté. Enfin Panthée parla avec tant d’eloquence, qu’elle porta Abradate à deſirer ardamment que Creſus achevaſt de le deſobliger, & de luy donner un juſte pretexte de changer de Party. Elle luy exagera encore l’obligation qu’elle luy avoit, d’avoir exité Araſpe : à ce nom d’Araſpe, Abradate l’arreſta : luy aprenant que celuy qu’elle nommoit, s’eſtoit preſenté au Roy de Lydie, comme ſe pleignant de Cyrus, & comme voulant le ſervir : & qu’en effet il en avoit eſté bien reçeu. Cela eſtant, dit Panthée, j’oſte un vaillant homme à Cyrus, & le donne à ſon Ennemy : c’eſt pourquoy je vous conjure, ſi vous en trouvez l’occaſion, de vouloir perſuadcr au Prince mon Pere de porter Creſus à la Paix, ou du moins de ne ſe meſler plus de cette guerre. Abradate aimoit trop Panthée, pour luy pouvoir rien refuſer : il luy dit touteſfois que ſi l’eſchange du Prince Artamas & d’elle ſe faiſoit, il ne pourroit pas abandonner Creſus : mais que s’il ne ſe faiſoit pas par quelque obſtacle que ce Prince y aportaſt, il luy engageoit ſa parole, qu’il ſeroit bientoſt aupres d’elle. Comme ils en eſtoient là, Cyrus amena la Princeſſe Araminte chez Panthée, afin de voir Abradate : qui luy rendit grace de l’honneur qu’elle luy faiſoit, d’une maniere qui luy fit aiſément connoiſtre, que Panthée l’avoit aimé ſans preocupation, &
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