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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/309

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que Cyrus creût qu’il y avoit agy ſincerement : & ainſi il ſe pleignit de ſon malheur, ſans ſe pleindre d’Abradate. Cependant Creſus ne manqua pas d’envoyer vers Cyrus : il voulut meſme que ce fuſt Andramite qui y allaſt : mais quoy qu’il pûſt mander à Abradate, pour l’obliger d’aller à Sardis durant cette negociation, il ne le voulut jamais faire : & il demeura touſjours au Camp, où en effet il eſtoit plus redoutable à Creſus, qu’il n’euſt eſté à Sardis : non pas tant parce qu’il avoit un Corps de quatre mille hommes les meilleurs de toute l’Armée, duquel il eſtoit Maiſtre abſolu : que parce qu’il eſtoit fort conſideré de tous les gens de guerre en general. Andramite agiſſant en cette occaſion comme Amant de Doraliſe, & par conſequent comme eſtant fort intereſſé en la liberté de Panthée avec qui ellé eſtoit, n’oublia rien de tout ce qui pouvoit rendre ſa negociation heureuſe : car non ſeulement il parla à Cyrus avec beaucoup d’eloquence & beaucoup d’adreſſe, mais il prit meſme ſi bien ſon temps, que le Roy de Phrigie eſtoit avec ce Prince, lors qu’il luy propoſa de la part du Roy ſon Maiſtre de delivrer la Reine de la Suſiane, en luy rendant le Prince Artamas. De ſorte qu’encore que Cyrus euſt eu quelque pretexte de vouloir retenir cette Princeſſe, juſques à ce que Mandane fuſt delivrée, il n’auroit oſé s’en ſervir de peur de deſobliger un Grand Roy, & de faire une action peu genereuſe, en penſant en faire une fort prudente. Joint que la Reine de la Suſiane n’intereſſant pas de ſes Rivaux, Cyrus creût qu’en effet il luy eſtoit bien plus avantageux de rendre Panthée à Abradate, qui ne laiſſeroit pas de s’en tenir obligé : & de delivrer le Prince Artamas, qui eſtant un des plus vaillans hommes du monde, ne pouvoit