Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/312

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dit elle, pendant que Panthée eſcrivoit à Abradate) à vous dire la verité, je trouve que nous ſommes bien plus ſeurement dans le Camp de Cyrus, que nous ne ſerions dans Sardis ; puis qu’il ſera ſelon toutes les aparences, bien toſt pris par ce Prince : qui ayant la Juſtice de ſon coſté & la Fortune, ſera infailliblement victorieux de tous ſes Ennemis : Mais que deviendroit l’Oracle que Creſus a reçeu à Delphes, repliqua t’il, ſi ce que vous dittes arrivoit ? En verité Andramite, luy dit elle, il y a bien de la temerité à croire que l’on entend le langage des Dieux, puis que bien ſouvent on n’entend pas ſeulement celuy des Hommes. l’advouë, luy dit il, que quelques fois vous ne l’avez pas entendu : mais je penſe, à vous dire la verite, que c’eſt parce que vous ne l’avez pas voulu entendre : & je ne sçay, adjouſta t’il, ſi vous m’entendrez encore aujourd’huy, quand je vous aſſureray que je n’ay jamais rien aimé que vous, & que je n’aimeray jamais autre choſe. je l’entendray encore bien moins qu’autrefois, reprit elle ; car Andramite, il faut que vous sçachiez, que comme je n’entends tous les jour parler que des Perſans, des Hircaniens, des Aſſiriens, des Armeniens, & des Medes, je ne sçay preſques plus la langue Lydienne : c’eſt pourquoy auparavant que vous me parliez de rien qui vous importe, il eſt à propos que j’aprenne à parler, & que j’aye pour le moins eſté un an ou deux en Lydie. comme Andramite alloit repartir à Doraliſe, & la conjurer de luy vouloir reſpondre un peu plus ſerieusement, Panthée, qui avoit achevé ſon Billet, le luy donna : ſi bien que comme il eſtoit temps de partir pour s’en retourner, il ne pût tirer autre ſatisfaction de Doraliſe, que celle de l’avoir veuë auſſi aimable qu’elle avoit jamais eſté. Son amour ne laiſſa