entre les Princes, & entre les Peuples, & entre les Soldats : cependant comme la Tréve avoit un jour limité, & que Cyrus n’eſtoit pas capable de manquer à ſa parole, il eſtoit au deſespoir de ne pouvoir profiter de ce deſordre : & il attendoit avec une impatience eſtrange, la derniere reſponce de Creſus. Il alloit pourtant quelques fois viſiter Panthée : & comme c’eſt la couſtume, meſme des plus ſages, mais principalement de ceux qui ont de l’amour, d’aimer à prevoir par leurs raiſonnemens, tout ce qui leur doit arriver : Cyrus ne parloit d’autre choſe, que de l’affaire dont il s’agiſſoit, ny à Panthée, ny à la Princeſſe Araminte. Tantoſt il demandoit à la premiere, ſi elle croyoit qu’Abradate ſoufrist l’injuſtice de Creſus ? une autrefois il prioit Araminte de luy dire, ſi elle penſoit que le Roy ſon Frere s’obſtinast juſques à la fin, à ne ſoufrir pas qu’il viſt Mandane ? mais quoy qu’il leur puſt dire, il leur parloit touſjours de ce qui luy tenoit au cœur. Il aſſura touteſfois à la Reine de la Suſiane, que ſi Creſus ne vouloit pas luy accorder ce qu’il ſouhaitoit, il ne laiſſeroit pas de la delivrer : la conjurant de luy pardonner, s’il differoit de conclure de Traitté juſques à la derniere heure de la Tréve, afin de taſcher d’obtenir ce qu’il demandoit. Mais il luy dit cela avec des termes ſi obligeants, que Panthée le pria elle meſme, de reculer ſa liberté autant qu’il pourroit. Comme il eſtoit donc avec ces deux Princeſſes, Ortalque luy fut dire qu’Orſane venoit d’arriver au Camp, qui diſoit avoir une choſe ſi importante à luy aprendre, qu’il le luy avoit amené à l’heure meſme. Le nom d’Orſane fit changer de couleur à Cyrus : ne luy eſtant pas poſſible de l’oüir nommer, ſans ſonger auſſi toſt à Mazare : & ſans croire qu’il luy eſtoit peut-eſtre envoyé
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