Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/326

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vous perſuader à la raiſon, qui vous parle par ma bouche. Ha Tiburte, s’eſcria t’il, un homme qui ne veut plus vivre, n’a garde de ſonger à regner : du moins, repliqua Tiburte, ſi vous ne pretendez plus rien à la vie, ne donnez pas ce deſplaisir à tous ceux qui s’interreſſent en ce qui vous touche, de vous voir entre les mains d’un Prince qui vous traiteroit en criminel, je le ſuis de telle ſorte, reprit il, que l’on ne me sçauroit faire injuſtice, quelque rigoureux qu’on me pûſt eſtre : mais Tuburte, ne laiſſez pas de faire de moy ce qu’il vous plaira.

Apres cela Mazare fut mis dans la Barque : & tous ceux de la Cabane eurent ordre de dire, ſi on venoit demander ce Prince, qu’il eſtoit mort auſſi toſt apres que l’illuſtre Artamene l’avoit eu quitté. Cependant le pitoyable eſtat ou eſtoit le Prince Mazare, fit que Tiburte ne pût pas ſonger à le mener fort loin : joint que les proviſions qu’il avoit dans la Barque eſtoient ſi petites, que leur voyage ne pouvoit tout au plus durer que deux ou trois jours. Comme ce ſage Vieillard n’eſtoit pas de ce Pais là, & qu’il n’y avoit pas meſme demeuré longtemps, il n’y avoit nulle habitude, & ne sçavoit pas trop bien qu’elle reſolution prendre : & comme il eſtoit extrémement eſloigné du ſien (car vous sçavez qu’il y a un grand chemin à faire, de Sinope au Païs des Saces, qui touchent la Scithie Aſiatique) il ne pouvoit trouver de ſecours fort proche. Il avoit meſme peu de choſe pour ſubsister : ne luy eſtant demeuré du naufrage, que la chaine d’or qu’il avoit donnée au Peſcheur, & une Bague d’un prix aſſez conſiderable. Il eſt vray que le Prince Mazare ſe trouva fortuitement avoir des Tablettes extrémement magnifiques : de ſorte qu’avec ces deux choſes il creût bien pouvoir trouver