Aller au contenu

Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le Roy, & aupres de la Reine, vous leur ferez voir par cette Lettre que ne me jugeant plus digne d’eſtre leur Fils, ny meſme de leur eſcrire, je renonce à la ſocieté civile pour touſjours. Aſſurez, les touteſfois, que l’amour ſeulement m’a rendu criminel : & que ſi je n’euſſe jamais aimé la divine & malheureuſe Mandane, je n’aurois rien fait indigne d’eux ny de vous, qui m’avez donne cent bons conſeils, que celle paſſion ſeulement m’a empeſché de ſuivre.

MAZARE.


Ce Prince ayant donc donné cette Lettre au jeune Peſcheur qui le mena au Rivage prochain, & qui luy avoit acheté un cheval, & fait faire un habillement fort ſimple, à une petite Ville où il alloit vendre ſon Poiſſon ; il prit le premier chemin qu’il trouva : ſa douleur ne luy permettant pas de ſonger ſeulement où il vouloit aller. Cependant le je une Peſcheur eſtant retourné à l’Iſle, donna à Tiburte la Lettre que ce Prince infortuné luy eſcrivoit ; & ſe mit dans un deſespoir ſi grand, que jamais on n’a entendu parler d’une douleur plus exceſſive. Ce fut en vain qu’il voulut ſe pleindre à luy de ce qu’il l’avoit mené où il avoit voulu aller : car outre que ce Peſcheur n’en avoit point eu de deffence, c’eſtoit encore ſe pleindre inutilement : de ſorte que pour ne perdre point de temps, & pour taſcher de retrouver ſon cher Maiſtre il quitta cette Iſle, & fut à la ville la plus proche, acheter un cheval, & prendre le chemin que le jeune Peſcheur luy avoit dit qu’il avoit pris. Mais comme il y avoit eu un temps aſſez conſiderable, de puis l’heure où ce Prince eſtoit party, juſques à celle o