de telle ſorte dans les divers détours de cette affreuſe Montagne, que je ne puſſe en ſortir devant que la nuit fuſt venuë. Si bien que jugeant plus aiſé de retourner ſur mes pas, & de repaſſer par des endroits que je creûs devoir bien reconnoiſtre, que de pourſuivre une route qui m’eſtoit inconnuë, & où aparemment je ne rencontrerois perſonne ; je rebrouſſay chemin, & je marchay en effet quelque temps par les meſmes endroits où j’avois paſſé. Mais eſtant armé en un lieu où il y a pluſieurs ſentiers peu battus, je me trompay : & pris point du tout celay par où j’eſtois venu. je marchay donc fort longtemps en tournoyant, croyant toujours que j’allois fort bien : il me ſembla pourtant quelqueſfois que je voyois des choſes que je n’avois pas veuës : & d’autreſſois auſſi je creûs que je reconnoiſſois l’endroit où j’eſtois. Ainſi croyant tantoſt que j’allois comme il faloit aller, & tantoſt craignant d’aller mal, j’avançois touſjours chemin : ayant beaucoup d’impatience d’eſtre hors d’encre ces Rochers. Car bien ſouvent j’avois une haute Montagne & ma droite, & un precipice effroyable à ma gauche : & le meilleur chemin que j’euſſe, eſtoit du moins fort inégal & fort raboteux. je vous demande pardon, Seigneur, ſi je m’arreſté ſi longtemps à vous deſcrire toutes ces choſes ; mais j’advoüe qu’elles firent une ſi forte impreſſion dans mon eſprit, que je ne puis m’empeſcher de les repreſenter telles que je les ay veuës. Apres avoir donc marché de cette ſorte, & avoir elle en deſcendant durant une demy-heure, ſans voir alors aucune trace de chemin, je fus contraint de m’arreſter : parce que la nuit venant tout d’un coup, je me fuſſe expoſé à tomber dans quelque precipice, ſi je me fuſſe obſtiné à marcher plus
Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/341
Apparence