Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/355

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fourbe & un meſchant, qui ne dois plus ſonger ſeulement à luy faire sçavoir que je vy, de peur de reſveiller dans ſon cœur, une haine qui ne s’attache preſentement qu’à ma memoire, & qui s’attacheroit à ma Perſonne. Ne ſoyons pas meſme en peine de ſa liberté, diſoit il, car ſi l’illuſtre Cyrus ne la luy fait recouvrer, perſonne ne le fera jamais. Le Prince Mazare adjouſta encore beaucoup de choſes de meſme force que celles là, où je ne creus pas qu’il faluſt reſpondre en s’y oppoſant directement : de peur de le confirmer dans les ſentimés où il eſtoit, en y reſistant trop. Si bi ? que luy conce dant une partie de ce qu’il diſoit, & luy diſputant l’autre, la converſation ſe paſſa de cette ſorte : juſques à ce que le fidelle Arcas vint ſervir le ſouper, qui fut plus propre que magnifique comme vous pouvez vous l’imaginer. Apres cela, mon cher Maiſtre paſſa le reſte du ſoir à me demander encore comment j’avois veû Mandane, ſi Marteſie & Arianite eſtoient avec elle ? (car je luy avois raconté qu’elles n’avoient pas pery non plus que la Princeſſe) & comme en luy rediſant toutes ces choſes, je vins à reparler d’Abradate comme eſtant aujourd’huy Roy de la Suſiane, Beleſis m’arreſta, & me demanda comment il eſtoit poſſible qu’Abradate fuſt Roy, veû que quand il eſtoit entré dans ſa Solitude, le Roy ſon Pere & le Prince ſon Frere aiſné vivoient, & que luy eſtoit exilé à Sardis ? C’eſt, luy repliquay-je, que ces deux Princes ſont morts : & que par conſequent Abradate eſt Roy. Les Dieux en ſoient loüez, reprit Beleſis, car il eſt plus digne de porter la Couronne que ne l’eſtoit le Prince ſon Frere, qui m’a tant perſecuté, Quoy Orſane, interrompit Panthée, ce Beleſis