Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/392

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plus à la poſſession de la Princeſſe Mandane. Pendant que ce Prince luy diſoit cela, il agitoitia choſe dans ſon eſprit : & trouvant en effet qu’en promettant ce qu’on vouloit qu’il promiſt, il ne s’engageroit à rien qui fuſt contraire à ſon deſſein, puis qu’il ne vouloit pas enlever Mandane pour luy ; il le fit, quoy qu’avec beaucoup de repugnance : & s’il n’euſt pas sçeu avec certitude que la mort du Roy de Pont ne delivreroit point Mandane, je penſe qu’au lieu de promettre ce qu’il promit, il auroit mis l’Eſpée à la main, & auroit combatu ce Prince. Voila donc, Seigneur, comment cette converſation ſe paſſa : en ſuitte dequoy Abradate ayant apris à Creſus quand il fut à Sardis, la condition de mon Maiſtre, & luy ayant dit la choſe avec beaucoup d’adreſſe, & fort obligeamment pour luy, il n’eut pas tant de ſoubçons dans l’ame que le Roy de Pont : qui depuis cela fit obſerver ſi ſoigneusement tout ce que nous faiſions, que ce ne fut pas ſans peine que nous entretinſmes les intelligences que nous avions ſans qu’on s’en aperçeuſt. Cependant le Prince Mazare avoit une repugnance horrible à ſe déguiſer comme il faloit : & ſi Beleſis & moy ne luy euſſions perſuadé que la gloire d’une entre priſe de cette nature, conſistoit ſeulement à la faire reuſſir, & non pas aux moyens par leſquels on la cachoit : & qu’enfin les Conjurateurs qui ſoutenoient un menſonge le plus hardiment, quand la cauſe de la Conjuration eſtoit juſte, meritoient le plus de loüange ; je penſe que pluſtost que de faire ce qu’il faloit qu’il fiſt pour cacher ſon deſſein, il ſe ſeroit porté à prendre quelque reſolution fort violente. Depuis cela Seigneur, vous sçavez comment les choſes ſe ſont broûillées entre tous ces Princes, pour la liberté du