Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/41

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qu’elle auroit l’honneur de la ſuivre à la Chaſſe le lendemain. Un moment apres, le Prince Mexaris entra : de ſorte que la converſation de Perinthe & de Doraliſe ne ſe renoüa point de ce jour là.

Cependant le pauvre Perinthe ſouffrit des maux incroyables, d’avoir entendu de la bouche de la Princeſſe, qu’elle ne croyoit pas qu’il fuſt amoureux : car encore qu’il penſast bien qu’elle ne ſoubçonnoit rien de ſa paſſion, il ne laiſſa pas de ſentir une douleur extréme, d’oüir prononcer ces cruelles paroles, par la ſeule perſonne qu’il aimoit, & qu’il pouvoit aimer : & à laquelle il sçavoit bien qu’il n’oſeroit jamais deſcouvrir ſon amour. Ce n’eſt pas qu’il n’euſt borné tous ſes deſirs, à ce qu’il luy ſembloit, à eſtre eſtimé de cette Princeſſe : mais il y avoit pourtant pluſieurs inſtants au jour, où ſa paſſion malgré qu’il en euſt, luy faiſoit faire des ſouhaits, que luy meſme condamnoit un moment apres. Cependant comme il eſtoit propre à toutes choſes, la Princeſſe luy donna la commiſſion de voir ſi les Eſcuyers du Prince ſon Pere, auroient bien preparé tout ce qui luy eſtoit neceſſaire pour la chaſſe : & ſi le cheval qui la devoit porter, eſtoit tel qu’il le luy faloit. Perinthe qui eſtoit ravi de rendre ſervice à la Princeſſe, quoy que ce ne fuſt meſme qu’en de petites choſes ; luy obeït ſi exactement, qu’en effet il ſe trouva que le lendemain la Princeſſe Palmis ne fut pas mieux que la Princeſſe de Claſomene. Et certes à dire vray, je ne penſe pas que l’on puiſſe jamais rien voir de plus beau ny de plus galant que le fut cette Chaſſe. Toutes les Dames qui en devoient eſtre, eſtoient habillées comme on peint Diane : ſinon qu’ayant un peu plus de ſoin de leur beauté, que cette Deeſſe qui meſprise la ſienne, elles avoient ſur la teſte une eſpece