Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/442

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encore, que pour faire que mon deſtin ſoit tout particulier, je ne ſuis pas comme ceux qui par un ſentiment d’amour trouvent tous leurs Rivaux peu honneſtes gens, quelques accomplis qu’ils puiſſent eſtre : au contraire, il me ſemble que je voy Cyrus tant au deſſus de tous les autres hommes, & ſi digne de Mandane, qu’il y auroit une injuſtice eſtrange s’il ne l’aimoit pas, & s’il n’en eſtoit pas aimé. De ſorte que jugeant par la grandeur du merite de ce Prince, de la grandeur de l’affection que cette Princeſſe doit avoir pour luy ; je conclus que nul autre n’y doit rien pretendre : & qu’ainſi je n’ay rien à faire qu’a chercher à mourir plus doucement : comme je feray ſans doute, ſi je puis obtenir mon pardon. D’autre part, le Roy d’Aſſirie n’eſtoit pas ſans chagrin : il eſtoit pourtant bien aiſe d’eſtre delivré, afin que Cyrus ne fuſt pas ſeul à combattre pour Mandane, mais il eſtoit au deſeſpoir d’avoir cette obligation à Mazare. Toutefois comme la veuë d’un Rival aimé, aigrit bien davantage l’eſprit, que celle d’un qui ne l’eſt pas, toute la haine du Roy d’Aſſirie eſtoit pour Cyrus. Il l’eſtimoit pourtant malgré luy : car ſa vertu brilloit avec tant d’eſclat, que la plus maligne jalouſie de ce Prince, ne pouvoit jamais faire qu’il fuſt aſſez preocupé, pour ne voir pas que Cyrus eſtoit le plus Grand Prince du monde, & le plus digne de Mandane. Mais pendant que ces trois illuſtres Rivaux s’entretenoient avec tant de melancolie, Abradate & Panthée ſe conſoloient de toutes leurs diſgraces en ſe les racontant : Andramite trouvoir auſſi beaucoup de conſolation, à voir l’aimable Doraliſe : de qui l’humeur enjoüée & indifferente, ne luy donnoit pourtant pas peu de peine. Ligdamis & Cleonice avoient encore d’aſſez douces heures, lors qu’ils pouvoient eſtre enſemble :