en ce lieu là, qu’il falut de neceſſité que la converſation ceſſaſt : Beleſis ne pouvant faire autre choſe, qu’advoüer des yeux à Cleodore, que tout ce qu’Hermogene venoit de dire eſtoit vray ; & Cleodore ne pouvant auſſi de ſon coſté, faire entendre qu’elle ne croyoit pas ce qu’on luy diſoit, que par une action de teſte & de main, qui ne laiſſa pourtant pas d’expliquer ſa penſée. Depuis cela nous la ſalüaſmes encore deux ou trois fois : apres quoy toutes les Dames ſe retirerent, & nous nous retiraſmes auſſi.
En nous en allant, Beleſis nous demanda de quelle humeur eſtoit Cleodore, & ſi elle avoit beaucoup d’Amants ? comme j’en eſtois encore mieux informé qu’Hermogene, qui eſtoit abſent depuis un an, ce fut moy qui pris la parole pour luy reſpondre, & pour ſatiſfaire ſa curioſité : qui en effet eſtoit mieux fondée qu’il penſoit : eſtant certain que l’humeur de Cleodore a touſjours eſté aſſez particuliere : de ſorte que pour le contenter, je commençay à luy dire en general, qu’il n’y avoit pas une Perſonne de ſon ſexe à Suſe, qui euſt plus d’eſprit qu’elle en avoit. Je m’en ſuis deſja bien aperçeu, repliqua t’il, & par ſa phiſionomie, & par l’air dont elle a parlé : mais ce que je veux de vous, eſt que vous me diſiez de quelle ſorte d’eſprit elle a. Puis que vous le voulez, repris-je, je vous diray que Cleodore a en aparence plus de douceur qu’on n’en a jamais veû en perſonne : cependant ceux qui la connoiſſent juſques dans le fonds du cœur, diſent qu’elle ne laiſſe pas d’eſtre un peu fiere. Elle s’en deffend pourtant extrémement : mais quoy qu’il en ſoit, il eſt certain qu’il faut que tout le monde ait de la complaiſance pour elle, quoy qu’elle n’en ait guere pour perſonne. Il y a pourtant dans ſon eſprit, malgré ce que je