Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/47

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point. Celuy qui marchoit à la teſte des autres, eſtoit un homme jeune ; admirablement beau ; & de bonne mine : & de qui l’habillement, quoy que de Campagne, eſtoit tres magnifique, & paroiſſoit meſme neuf. Doraliſe ne l’eut pas pluſtost veû, que continuant ſa raillerie ; cét Eſtranger, dit elle à la Princeſſe, quel qu’il puiſſe eſtre, eſt ſans doute plus liberal que Mexaris : car puis qu’il eſt ſi magnifique en voyageant, il le ſeroit aſſurément en une belle Feſte comme celle cy. Il a ſi bonne mine, repliqua la Princeſſe, que je n’auray pas trop de peine à me laiſſer perſuader qu’il poſſede une vertu auſſi heroïque que celle là, & qui touche ſi fort mon inclination. Cependant comme la beauté de la Princeſſe n’eſtoit pas moins eſclatante que la mine de cét Eſtranger eſtoit haute ; & que l’habit où elle eſtoit, contribuoit encore quelque choſe à rendre ſon abord ſurprenant ; il en parut en effet fort ſurpris : & s’imagina que ce pouvoit eſtre la Princeſſe de Lydie. Neantmoins comme il ne pouvoit & s’en eſclaircir entierement, il fut quelque temps irreſolu ſur ce qu’il devoit faire : mais à la fin craignant de faire une faute, en ſe faiſant connoiſtre à une Perſonne qu’il ne connoiſſoit pas : & ne voulant pas auſſi manquer de reſpect pour la Princeſſe, de qui la beauté, l’air, & l’habit, luy perſuadoient qu’elle eſtoit de tres grande qualité ; il luy quitta le chemin : & s’arreſtant pour la laiſſer paſſer, en la ſalüant avec un profond reſpect, il la ſuivir des yeux ſans marcher tant qu’il la pût voir. La Princeſſe de ſon coſté, tourna la teſte pour le regarder : mais leurs yeux s’eſtant rencontrez, elle ne le regarda plus. Cependant cét Eſtranger