Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/478

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c’eſt à ceux qui me veulent plaire à s’y conformer. Mais Madame (reprit il avec un viſage fort ſerieux) ſi je vous diſois qu’il y a une Perſonne qui ſe pleint de vous, & une Perſonne encore pour qui je vous ay entendu dire avoir quelque eſtime, n’auriez vous point envie de sçavoir dequoy elle vous accuſe, afin de vous juſtifier ? nullement, reprit elle, car ſi elle m’accuſe à tort, elle eſt indigne que je me juſtifie : & ſi je ſuis coupable, c’eſt aſſurément que je l’ay voulu eſtre : & que je ſuis incapable, ny de me repentir, ny de m’excuſer. Je ne vous croyois pas ſi injuſte, reprit Beleſis : mais adjouſta t’il, puiſque vous l’eſtes juſques au point que de ne vouloir ny vous juſtifier, ny vous excuſer, ne dois-je point encore craindre que vous ne veüilliez pas que les autres ne ſe juſtifient, ny s’excuſent ? Au contraire, dit elle, par la meſme raiſon que je n’aime point à rendre conte de mes actions, j’aime que les autres facent ce que je ne fais point : cela eſtant Madame, reprit Beleſis, vous ne vous offencerez donc pas ſi je vous dis que la raiſon pourquoy je ne sçay plus ce qui ſe paſſe dans le monde, eſt que le ne ſonge qu’à taſcher de sçavoir ce qui ſe paſſe dans voſtre cœur : & que ce qui fait que je ne parle guere, eſt que je crains de parler trop toſt : & de vous dire que je vous aime, en un inſtant ſi malheureux, que je m’en face haïr pour touſjours. Je vous aſſure, reprit Cleodore, qu’il n’y a point d’inſtant à choiſir pour cela : & qu’il n’en eſt aucun où je puiſſe trouver bon que l’on me die une pareille choſe : c’eſt pourquoy ſi vous m’en croyez ne le faites pas. Vous n’eſtes pas encore engagé ſi avant en un ſi fâcheux diſcours, adjouſta t’elle que vous ne le puiſſiez tourner en raillerie : non non