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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/480

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Mais Madame, repliqua t’il, je ne voy preſques plus Hermogene, & je vous voy eternellement. Il eſt vray que j’y ſuis venu pour luy : mais il eſt encore plus vray que j’y demeure pour l’amour de vous. Si ce que vous dittes eſt veritable, reprit elle, je vous conſeille de partir de Suſe, le pluſtoſt que vous pourrez : car Beleſis, pour ne vous en mentir pas, je ſuis meilleure Amie que je ne ſerois bonne Maiſtreſſe : quand meſme je pourrois me reſoudre à ſouffrir que vous m’aimaſſiez. Mais adjouſta t’elle, je n’en ſuis pas là : & vous ne sçauriez me faire un plus ſenſible dépit, que de vous obſtiner à me vouloir perſuader que vous m’aimez. Car quelque inclination que j’aye à aimer les nouvelles, je n’aime pas à eſtre la nouvelle des autres (s’il faut ainſi dire) & quand je ſonge que ſi vous vous mettiez dans la fantaiſie d’aller faire pour moy tout ce que font ces gens qui veulent que l’on croye qu’ils ſont amoureux, tout le monde ſe diroit à l’oreille durant pluſieurs jours, Beleſis aime Cleodore : & que peut-eſtre on y adjouſteroit auſſi, que Cleodore le ſouffre ſans chagrin ; j’en ay une colere ſi grande, qu’il s’en faut peu que je ne vous haiſſe. Mais Madame, reprit Beleſis, le moyen de faire que perſonne ne ſe die à l’oreille que je ſuis amoureux de vous, eſt que vous enduriez que je vous le die tout bas, & que vous ne me deſeſperiez point. Car Madame, il eſt ce me ſemble bien aiſe à un Amant heureux d’eſtre ſecret : mais ſi vous ne voulez point croire que le vous aime, & ſi vous ne voulez point que je vous le die quelqueſfois, je ſeray contraint, pour vous perſuader cette verité malgré vous, de faire cent choſes qui deſcouvriront ma paſſion à toute la Terre. C’eſt pourquoy, aimable Cleodore, examinez bien auparavant que de prononcer