Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/518

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parloit ſeulement pour luy faire dépit. D’abord comme elle creut que ce procedé bizarre & jaloux, eſtoit une preuve de l’amour que Beleſis avoit pour elle, elle ne s’en offença point : & d’autant moins, que ne ſoupçonnant encore rien de l’amour d’Hermogene, Cleodore s’imagina qu’il luy ſeroit aiſé de guerir Beleſis de ſa jalouſie quand elle le voudroit, en priant ſon Amy de ne s’attacher pas tant à luy parler. De ſorte que trouvant je ne sçay quel plaiſir à tourmenter Beleſis pour quelques jours, elle ne ſe mit pas en peine de faire ce qu’elle pouvoit, pour luy oſter la croyance qu’elle penſoit qu’il euſt : ſi bien que cela facilita à Beleſis le deſſein qu’il avoit de deſcouvrir à Leoniſe la paſſion qu’il avoit pour elle. Un jour donc qu’ils eſtoient tous quatre enſemble, & que Leoniſe gardoit la Chambre, Cleodore voulant faire dépit à Beleſis, demanda à Hermogene s’il vouloit bien la mener à une viſite qu’elle avoit à faire : Leoniſe l’entendant parler ainſi, ſe mit à ſe pleindre agreablement de ce qu’elle l’abandonnoit : la menaçant de la traitter avec une égalle indifference, s’il arrivoit jamais qu’elle ſe trouvaſt un peu mal. Mais Cleodore luy dit, qu’elle la laiſſoit en ſi bonne compagnie, qu’elle ne comprenoit pas qu’elle pûſt avoir raiſon de regretter la ſienne : Beleſis ravy de voir qu’elle s’en alloit, quoy qu’il euſt autrefois tant ſouhaitté ſa preſence, luy dit qu’elle jugeoit des autres par elle meſme : qui emmenant Hermogene, ne regrettoit point ceux qu’elle laiſſoit chez elle. En ſuitte dequoy, Cleodore & Hermogene ſortant, Beleſis demeura ſeul aupres de Leoniſe, qui ne sçavoit que penſer de ce qu’elle voyoit. Car ſi elle ſe ſouvenoit de ce que Praſille luy avoit dit, elle devoit croire que Beleſis aimoit Cleodore, & que ce qu’il faiſoit n’eſtoit