Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/585

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par generoſité, mais encore par amour : car Madame, quelque haine que vous ayez pour Beleſis, & quelque paſſion qu’il ait pour Leoniſe, je ne ſeray pourtant jamais en repos, que je ne voye une impoſſibilité abſoluë que vous puiſſiez vous remettre bien enſemble. Jugez apres cela Madame, ſi c’eſt par deffaut d’affection que je m’oppoſe à ce que vous deſirez de moy : quoy qu’il en ſoit, reprit elle, vous me refuſez : & vous me refuſez la choſe du monde que je ſouhaite le plus. Mais apres tout, comme je n’ay pas droit de forcer les volontez, je vous diſpenſe de m’obeïr ; & je le fais d’autant pluſtoſt, que je viens d’imaginer une voye de faire reuſſir mon deſſein, ſans que vous vous en meſliez : n’eſtant pas meſme marrie de ne vous avoir pas une obligation ſi ſenſible : car je ne sçay comment j’aurois pû la reconnoiſtre. A ces paroles, Hermogene croyant que Cleodore eſtoit irritée contre luy, ſe mit à luy dire cent choſes infiniment touchantes : luy proteſtant que quoy qu’il luy euſt dit, ſi elle le vouloit abſolument, il ne laiſſeroit pas de luy obeïr. De ſorte que Cleodore qui n’avoit parlé comme elle avoit fait, que pour piquer Hermogene, le prit au mot à l’heure meſme. Mais Madame, luy dit il, afin que du moins j’aye quelque puiſſante excuſe à donner à ceux qui sçauront mon crime, que me faites vous eſperer, ſi je fais ce que vous voulez ? Preſques toutes choſes, reprit elle, car je vous advoüe que ſi je puis oſter Leoniſe à Beleſis, j’auray une joye que je ne vous puis exprimer : & par conſequent une reconnoiſſance pour vous, qui ne donnera gueres de bornes à vos eſperances, pourveû qu’elles ne ſoient pas injuſtes. Puis que vous me parlez avec tant de bonté, repliqua