Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/605

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vous en deſabuſer. Croyez donc ſi cela vous faſche, que je l’ay aime ; que je l’aime encore ; & que je l’aimeray touſjours ; car vous ne pouvez me faire un plus ſenſible plaiſir, que de vous tourmenter vous meſme. Mais Madame, reprit il, ne craignez vous point de me deſeſperer, & de me porter à faire tout ce qu’un homme qui a beaucoup d’amour, & qui n’a plus de raiſon, peut entreprendre ? Non Beleſis, reprit elle, je ne l’aprehende point : car j’ay touſjours oüy dire, que les gens qui ont le cœur partagé, n’ont pas les paſſions ſi violentes. Mais Madame, interrompit il, mon cœur n’eſt plus qu’à vous ſeule, & ne ſera jamais à nulle autre. Seriez vous bien aſſez hardy, reprit elle, pour oſer reſpondre de vous meſme, apres ce qui vous eſt arrivé ? pour moy qui ne m’aſſure pas ſi aiſément, & qui juge touſjours de l’advenir, par le paſſé, je vous prédis qu’un de ces jours, vous en direz autant à Leoniſe, & que peut-eſtre encore l’oubliant auſſi bien que moy, vous irez redire à une troiſieſme, ce que vous nous avez dit à toutes deux l’une apres l’autre, & à toutes deux enſemble. Quoy Madame, interrompit Beleſis, vous ne me pardonnerez point, & vous ne vous aſſurerez jamais en mon affection ? N’en doutez nullement, répliqua t’elle, car comment voudriez vous que je m’y puſſe jamais aſſurer ? vous m’avez quittée dans le temps de toute ma vie, où j’ay eſte la moins laide, & dans le temps de toute ma vie, où j’ay eſté la plus douce pour vous. Apres cela, à quoy me pourrois-je fier ? A vos paroles, que vous avez ſi mal tenuës ? A vos ſermens, que vous avez ſi laſchement fauſſez ? Non Madame, interrompit Beleſis, mais fiez vous à mon repentir, c’eſt luy, divine Cleodore, qui m empeſchera d’eſtre inconſtant à l’advenir, car j’ay une ſi