Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

endurcy aux rigueurs d’une autre. Enfin il faut que la grace de la nouveauté ſe trouve à l’amour, comme à toutes les autres choſes : & que ſi quelqu’un doit pretendre eſtre bien reçeu de moy, il me perſuade que je ſuis & ſeray touſjours ſa premiere & ſa derniere paſſion. J’advoüe, dit Abradate, que je trouve le ſentiment de Doraliſe fort juſte : il l’eſt d’autant plus, reprit Panthée, qu’en prenant cette reſolution, on prend ſans doute celle de n’aimer jamais rien : eſtant certain que c’eſt deſirer une choſe impoſſible, Il s’en faut bien que je ne fois de voſtre opinion, repliqua Abradate ; je n’en ſuis pas auſſi, reprit Doraliſe ; car enfin je ne tiens pas impoſſible que l’on puiſſe eſtre capable de n’avoir qu’une paſſion en ſa vie : & la grande difficulté eſt de trouver tout enſemble un honneſte homme qui n’ait rien aimé, & qui n’aime rien que moy. La Princeſſe (adjouſta t’elle regardant Abrabate) m’avoit voulu perſuader, que Perinthe n’avoit jamais eſté amoureux : mais outre que je ne le croy pas trop, je ne voy pas que je face grand progrés dans ſon cœur : c’eſt pourquoy je ne ſonge plus à faire de conqueſtes. La mienne vous ſeroit ſi peu glorieuſe (reprit Perinthe un peu interdit) que vous n’eſtes ſans doute pas marrie de ne l’avoir point faite : en verité Perinthe, interrompit la Princeſſe, je vous trouve un peu trop ſincere : & Doraliſe me perſuadera à la fin que vous eſtes amoureux. Car ſi vous ne craigniez pas que celle que peut eſtre vous aimez, sçeuſt ce que vous auriez reſpondu à Doraliſe, vous luy auriez ſans doute parlé un peu plus civilement. Vous en croirez ce qu’il vous plaira Madame, reprit il, mais je ne penſois pas que ce fuſt incivilité, que de dire ce que j’ay dit : & je penſois au contraire, que cela ſe devoit pluſtost apeller reſpect. Il eſt un