Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/69

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de celuy qui le poſſede, je n’ay garde de remettre cette Bague entre vos mains ; de peur que pour me punir de la hardieſſe que j’ay, vous ne me derrobaſſiez la veuë de la plus belle Perſonne du monde : c’eſt pourquoy il faut que vous en voiyez l’eſpreuve par le moyen d’une autre. Quoy que la Princeſſe euſt allez entendu parler de la merveilleuſe qualité de la Pierre qui cauſoit un effet ſi admirable, elle ne laiſſa pas d’en eſtre ſurprise, lors que Mexaris ayant fait aprocher un des ſiens qui sçavoit comment il faloit tenir cette Bague, pour en faire voir la vertu : elle remarqua que dés qu’il en eut tourné la Pierre vers luy, il diſparut abſolument aux yeux de toute la Compagnie comme aux ſiens : de ſorte que ſans reſpondre au Prince Mexaris, elle dit que cela n’eſtoit pas poſſible ſans enchantement. Toutes les perſonnes qui ne l’avoient jamais veuë non plus qu’elle, n’en furent pas moins eſtonnées : & certes à dire vray, la choſe eſt ſi ſurprenante, qu’encore qu’on l’ait veuë plus de cent fois, on en eſt touſjours ſurpris. Car tant que l’on tient cette Pierre, que l’ou appelle Heliotrope, & qui ſe trouve en Ethiope, on diſparoist abſolument.

Mais eſt il bien poſſible, interrompit la Princeſſe Araminte, que la choſe ſoit comme vous la dittes ? il n’en faut pas douter Madame, repliqua Pherenice : pour moy, adjouſta Cyrus, il y a long temps que je me ſuis informé à diverſes perſonnes, s’il y avoit de la verité à ce que j’entendois raconter de la vertu de l’Heliotrope : & je l’oſe dire, ſans faire une incivilité à Pherenice, je luy advoüeray, qu’encore que cent perſonnes m’ayent aſſuré que la choſe eſt ainſi, je ne laiſſe pas d’avoir peine à croire que cela ſoit vray. Ce n’eſt pas, adjouſta t’il, qu’apres avoir veû la merveilleuſe qualité de l’Aimant, qui attire