Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/94

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Car enfin il faut s’imaginer de voir de front, cent petits Chars de Triomphe, auſſi brillans qu’on nous peint celuy du Soleil : il faut, dis-je, ſe les imaginer, tirez par les plus beaux chevaux du monde : & ſe repreſenter dans chacun, un homme magnifiquement habillé, qui tienne d’une mains les reſnes de ſes chevaux qui ſont d’un tiſſu d’or : & de l’autre une longue Javeline ornée de Pierreries : & qui excitant ſes chevaux de la voix, en meſme temps que mille Inſtruments de guerre font retentir l’air des ſons eſclatans ; part comme tous les autres du bord d’une grande Pelouſe qui eſt deſtinée pour cela pour arriver au bout de la Carriere, où ſont les Eſchaffaux pour les Dames, ſous des Tentes magnifiques : & où le prix de la victoire leur eſt donné, par celle que celuy qui fait la Feſte a choiſie pour cela. Voila, Madame, quelle eſt la courſe de Chariots à Sardis : mais il eſt vray que nous y euſmes un jour un plaiſir particulier ; non ſeulement parce qu’Abradate & Cleandre emporterent le prix eſgalement : mais encore parce que le Chariot du pauvre Mexaris, qui aſſurément n’avoit eſté que repeint & redoré, rompit au milieu de la Carriere. Cét accident fut meſme cauſe, que le malheureux Perinthe en fut encore plus miſerable : car comme il n’avoit pas eſté de cette courſe de Chariots, il eſtoit ſur l’Eſchaffaut de la Princeſſe : & il remarqua ſi bien la joye qu’elle eut de la diſgrace de Mexaris, & celle que luy cauſa la victoire d’Abradate ; qu’il ne douta plus que ce Prince n’euſt deſja quelque part en ſon cœur : ainſi au milieu de l’allegreſſe publique, Perinthe avoit une douleur tres ſensible. Il eſt vray qu’il falut bien toſt apres, paſſer de la joye à la triſtesse, par la funeſte mort du Prince Atys, qui affligea toute la Cour, mais principalement