Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/96

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elle les eſvitoit avec foin, & que Perinthe pour ſon intereſt, y faiſoit autant d’obſtacle qu’il pouvoit, il ne luy eſtoit pas aiſé de les trouver. Car Madame, vous sçaurez que cét Amant caché de la Princeſſe, avoit une adreſſe admirable, pour faire qu’elle ne fuſt preſques jamais ſeule, aux heures où Abradate la pouvoit voir : & voicy par où il en venoit à bout. Premierement, il ne ceſſoit de dire en particulier, à trois ou quatre Dames de qualité que la Princeſſe eſtimoit effectivement, qu’elle les aimoit avec une tendreſſe extréme : & qu’ils luy faiſoient un fort grand plaiſir de la viſiter ſouvent. En ſuite pour faire l’officieux, il ſe chargeoit de les advertir, quand ils ne l’incommoderoient point, & quand il n’y auroit pas tant de monde : & en effet il faiſoit ſi bien qu’il y en avoit touſjours quelqu’une de ſi bonne heure, que le malheureux Abradate ne pouvoit trouver aucune occaſion d’entretenir la Princeſſe. Il n’accuſoit pourtant de ce malheur que ſa mauvaiſe fortune : & ne sçavoit pas qu’il luy eſtoit cauſé par un Rival encore plus miſerable que luy : mais à la fin ayant trouvé Panthée à la promenade, dans les Jardins du Palais du Roy, elle ne pût eſviter ſa converſation. Par bonheur pour luy, Mexaris ne s’y trouva pas ; & par malheur pour Perinthe, il s’y rencontra : car il menoit Doraliſe, qui avoit eſté à cette promenade avec la Princeſſe. Neantmoins quoy qu’il y fuſt, il n’y avoit pas moyen de troubler la converſation de deux Perſonnes de cette qualité là : Doraliſe m’a dit depuis, que lors qu’Abradate donna la main à la Princeſſe, Perinthe laiſſa aller la ſienne pour un inſtant : touteſfois s’eſtant un peu remis il la reprit : mais ſi hors de luy, qu’il ne sçavoit pas trop bien ce qu’il luy diſoit, quand elle le forçoit de parler.