Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/117

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la perte ou la conservation de la Personne du monde la plus considerable. Ils jugerent donc à propos, de choisir les principaux des Persans ; & ceux d’entre ces Princes Estrangers, qui paroissoient les plus affectionnez à Artamene, & qu’il avoit le plus obligez : afin de leur apprendre, que celuy qu’ils aimoient, estoit encore plus digne de leur amitié, & de leur protection qu’ils ne pensoient : & pour avoir apres cela leurs advis, sur ce qu’ils avoient à faire. Ils eussent bien voulu en faire demander la permission à leur cher Maistre : mais c’estoit une chose si delicate à confier legerement, qu’ils ne crûrent pas qu’il la falust hazarder. Joint que dans l’indifference qu’il tesmoignoit avoir pour la vie ; ils s’imaginerent facilement, qu’il ne se donneroit pas la peine d’examiner, ce qui luy seroit le plus advantageux : & ils jugerent mesme qu’il n’y consentiroit jamais, vû le silence obstiné qu’il observoit en une occasion, où il s’agissoit de son honneur & de sa vie. Comme ils eurent formé cette resolution, ils prirent encore celle de ne confier ce secret qu’à des Persans, & à des Princes Estrangers, & de n’en donner point de partaux Medes : parce qu’estans nais Subjets de Ciaxare, ils auroient peut-estre pû se dispenser, de la fidelité qu’ils auroient promise ; ou du moins la garder avec quelque repugnance, & quelque scrupule. Ainsi apres s’estre fortement déterminez sur ce dessein ; ils furent chercher l’occasion de l’executer : afin d’avoir au moins la satisfaction de n’avoir rien negligé pour la conservation de la personne du monde la plus illustre, & la plus malheureuse tout ensemble.


Fin du premier Liure