il faut neantmoins, que j’en donne une de moderation. Ha ! Harpage, s’escria t’il encore une fois, que n’avez vous dit ? & pour quoy ne m’avez vous plustost proporé de legitimes ennemis ? Seigneur (luy respondit Harpage assez froidement) je pensois que les violences du Roy des Medes contre vous, fussent des causes assez justes, pour vous dispenser du respect que les droits du sang vous obligent d’avoir pour luy : mais puis que je me suis trompé, il faut Seigneur, que je me taise : & que je ne sois pas plus sensible que vous, aux injustices qu’on vous a faites. Il faut donc, poursuivit il, satisfaire pleinement cette moderation, qui vous fait oublier vos propres injures : & que passant tout le reste de ma vie exilé de mon païs, j’aye peut-estre encore le desplaisir d’apprendre pendant mon bannissement, que Cyrus, fils du sage Cambise, & de la vertueuse Mandane ; que Cyrus, dis-je, de qui l’on attend tant de grandes choses ; aura succombé sous l’injustice du Roy des Medes : qui sans doute ne manquera pas d’attaquer de nouveau son illustre vie, ou par le fer, ou par le poison. Cyrus, dis-je, qui pourroit s’il le vouloit, se vanger pleinement, se mettre à couvert de l’orage ; conserver aux Persans leur ancienne liberté ; se rendre Maistre d’un grand Royaume ; & peut-estre de toute l’Asie. Luy, dis-je encore une fois, que les Dieux semblent appeller à la Souveraine puissance par tant de prodiges : qui devroient luy avoir apris, qu’ils veulent que je luy propose : & que quand il entreprendra la guerre ; quand il renversera toute la Medie ; quand il conquestera toute la Terre ; & qu’enfin il montera au Throsne d’Astiage ; il ne fera que ce que les Dieux veulent qu’il face. S’ils le veulent, respondit brusquement Cyrus, il sçavent
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