Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/203

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que nous avions rencontré, pour voir mieux & plus long temps cette Princesse ; qui comme je l’ay desja dit, meritoit bien d’exciter en son cœur la curiosité qu’elle y fit naistre. Vous vous souvenez sans doute, Seigneur, qu’en un endroit de mon recit, je vous ay dit que cette Princesse estoit née trois ans apres Artamene : ainsi la premiere fois qu’il la vit elle commençoit d’entrer dans sa seiziesme année. Elle estoit ce jour là habillée assez magnifiquement : & quoy qu’il ne parust nulle affectation en sa propreté, elle estoit neantmoins tres propre. Le voile de Gaze d’argent qu’elle avoit sur sa teste, n’empeschoit pas que l’on ne vist mille anneaux d’or, que faisoient ses beaux cheveux, qui sans doute estoient du plus beau blond qui sera jamais : ayant tout ce qu’il faut pour donner de l’esclat, sans oster rien de la vivacité, qui est une des parties necessaires à la Beauté parfaite. Cette Princesse estoit d’une taille tres noble, tres advantageuse, & tres elegante : & elle marchoit avec une majesté si modeste, qu’elle entrainoit apres elle, les cœurs de tous ceux qui la voyoient. Sa gorge estoit blanche, pleine, & bien taillée : elle avoit les yeux bleux, mais si doux, si brillans, & si remplis de pudeur & de charmes ; qu’il estoit impossible de les voir sans respect & sans admiration. Elle avoit la bouche si incarnatte ; les dents si blanches, si égales, & si bien rangées ; le teint si éclatant, si lustré, si uni, & si vermeil ; que la fraicheur & la beauté des plus rares fleurs du Printemps ne sçauroit donner qu’une idée imparfaite de ce que je vy, & de ce que cette Princesse possedoit. Elle avoit les plus belles mains & les plus beaux bras, qu’il estoit possible de voir : car comme elle avoit relevé son