Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/214

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Ciaxare se preparent sans doute desja à l’usurper, si Cambise meurt le premier : quoy qu’ils sçachent bien l’un & l’autre, que la Royauté parmy les Persans est elective : encore qu’elle soit depuis long temps par succession, dans l’illustre Maison des Persides. Revenez donc Seigneur, revenez à la raison : & ne vous perdez pas legerement. Les Dieux, adjoustay-je, n’ont pas predit de vous de si grandes choses, pour ne vous amuser qu’à faire l’amour. Que voulez vous que j’y face ? me respondit le Prince en m’embrassant ; je ne me suis pas rendu sans combattre : & je me suis dit à moy mesme, tout ce que vous venez de me dire. Si bien Chrisante, que tout ce que je puis est de vous promettre, de faire encore de nouveaux efforts pour me guerir : Mais pour cela, il me faut du temps : c’est pourquoy ne pressez pas tant nostre départ : & donnez moy quelques jours à me resoudre. Seigneur, luy repliquay-je, l’amour est une espece de maladie, de qui le venin est contagieux : & d’une nature si maligne & si subtile, que l’on ne sçauroit fuir avec trop de diligence, les jeux où l’on s’en peut trouver atteint. Ceux qui sont empoisonnez, me repliqua le Prince, emportent le poison avec eux en changeant de place : c’est pourquoy ne me pressez pas davantage de partir, je vous en conjure : si vous ne voulez rendre mon mal, encore plus grand qu’il n’est. Mais si vous estes reconnu, luy dis-je, vostre perte est indubitable : elle la seroit encore plus si je partois, me respondit-il ; c’est pourquoy donnons quelque chose à la Fortune, & ne parlons point encore de partir.

Le Prince me dit cela d’une maniere, qui me fit connoistre qu’il faloit avoir quelque indulgence pour luy : joint qu’aussi bien nostre Vaisseau