Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/248

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s’habilloit : afin de le prevenir sans luy en rien dire, en instruisant Mandane, de la maniere dont elle le devoit recevoir. Il la trouva dans un Apartement magnifiquement meublé : & accompagnée d’un grand nombre de Dames, tant de celles de la Cour, qui l’avoient suivie en ce voyage, que de celles de la Ville d’Ancire, & de toute la Province, qui ne la quittoient que le moins qu’il leur estoit possible. Elle estoit ce jour là habillée avec assez de negligence : Mais elle estoit toutefois si belle, & si propre ; que de tant de Personnes belles, & richement parées qui l’environnoient ; Artamene m’a dit depuis, qu’il n’en discerna aucune : tant ce puissant Objet attacha fortement, & ses yeux & son esprit. La Princesse ne vit pas plustost mon Maistre qu’elle se leva, & se prepara à le recevoir, avec beaucoup de joye & beaucoup de bonté : ayant desja sçeu par Arbace, le service qu’il avoit rendu au Roy son Pere. Artamene luy fit alors deux profonds reverences ; & s’approchant apres d’elle, avec tout le respect qui estoit deû à une Personne de sa condition ; il luy baisa la robe, & luy presenta la Lettre du Roy, qu’elle leût à l’instant mesme : & comme elle eut achevé de la voir, il voulut commencer la conversation par un compliment, apres luy avoir dit ce qui l’amenoit : mais la Princesse le prevenant d’une façon fort obligeante ; quelle Divinité, luy dit elle, genereux Estranger, vous a conduit parmy nous, pour sauver toute la Capadoce en sauvant le Roy ; & pour luy rendre un service, que tous ses Subjets ne luy auroient pas rendu ? Madame, luy respondit Artamene, vous avez raison de croire, que quelque Divinité m’a conduit icy : & il faut mesme que ce soit une de ces Divinitez