Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/267

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extraordinaires. Mais Seigneur, luy dis-je, pourquoy du moins n’avez vous obtenu pour Feraulas & pour moy, ce que vous avez obtenu pour vous ? est-ce que vous doutez de nostre courage ? Ha Chrisante ! me dit-il en m’embrassant, je douterois plustost du mien, mais la chose n’estoit pas possible : & si je l’eusse demandée pour vous, je me fusse exposé peut-estre à ne l’avoir pas pour moy mesme. Cependant malgré toutes ses raisons, comme je n’estois pas possedé de passions si violentes que luy, je ne pouvois me consoler, de le voir engagé dans un semblable combat, mais la chose estoit sans remedes : & il s’estoit caché de moy, lors qu’il avoit esté chez Mandane, pour la prier de le servir en cette rencontre.

Le choix des deux cens Combatans estant donc fait ; le jour du combat estant arrivé ; les Ostages estant donnez de part & d’autre ; la visite des armes estant faite par eux, suivant les conditions du Traité ; & l’advis en ayant esté envoyé au Roy de Pont, qui envoya le mesme à Ciaxare, de la part de ceux qui estoient à luy, & qui avoient aussi visité ses gens ; la Troupe choisie passa devant le Roy ; qui avoit fait faire dés la pointe du jour un Sacrifice, pour demander la Victoire aux Dieux. Artamene avoit esperé, que la Princesse seroit aupres de Ciaxare lors qu’ils partiroient, & qu’il auroit le plaisir de la voir encore en partant : mais elle ne pût s’y resoudre ; & elle aima mieux demeurer au Temple : si bien qu’il fut privé de cette consolation. Pour moy, Seigneur, qui le vis partir, je ne pûs m’empescher d’en avoir les larmes aux yeux : car enfin dans les autres occasions, Feraulas & moy taschions au moins de luy rendre tousjours quelque service : mais en celle-cy, nous ne pouvions pas seulement estre les tesmoins de sa