homme de plus dans mon Party, aurois facilement achevé de le vaincre & de le tuer. Qu’il die luy meſme s’il m’a veû fuir ; s’il m’a veû cacher ; & ſi cela eſt, je douteray peut-eſtre de ma victoire : & je croiray autant à ſes yeux qu’à ma propre valeur. Mais ſi mon ennemy ne dit autre choſe, contre moy, ſinon qu’il ne m’a point vû combattre, & que je ne ſuis pas bleſſé ; je demande que l’on n’eſcoute point ſes mauvaiſes raiſons, & que l’on, reçoive les miennes qui ſont bonnes. Car enfin ſi j’ay combatu, j’ay vaincu ; & il paroiſt aſſez que j’ay combatu, puis que je me ſuis trouvé au lieu du combat, & m’y ſuis trouvé volontairement. De plus, quand je ne l’aurois pas fait, il ne devroit pas pour cela eſtre declaré Vainqueur : puis que ce ne ſeroit pas avoir vaincu legitimement, que d’avoir combatu avec inegalité. Ainſi, Seigneurs, ne deliberez pas plus long temps, ſur ce que vous avez à prononcer : je ne m’oppoſe point à la gloire d’Artamene : concedons luy qu’il a bien fait ſon devoir ; que ſes bleſſures ſont pluſtost des marques de ſon grand cœur, que de ſa faibleſſe : & diſons ſeulement, que perſonne ne depoſant contre moy, non pas meſme mou Ennemy, qui ne peut rien dire à mon prejudice, ſinon qu’il ne m’a point veû combattre ; luy qui peut-eſtre dés le commencement du combat, n’eſtoit plus en eſtat de rien voir ; je merite que l’on m’adjuge la Victoire. Car s’il ne m’a point veû, il eſt à croire, comme je le dis, que c’eſt que la perte du ſang, luy avoit oſté l’uſage de la veuë : Mais pour moy à qui
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