Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/298

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vous demande, & à, ce que je vous ſuplie de luy ordonner. Je luy donne le choix des armes : & luy promets de plus, de n’abuſer pas de ma Victoire je la remporte : pourveu qu’il ſoit plus ingenu ſous mes pieds, qu’il ne le paroiſt devant des Thrônes ſi venerables ; & devant un Tribunal, qu’il ne pas redouter. C’eſt à vous, Seigneurs, à prononcer l’arreſt favorable que j’attens de voſtre equité : & à ne me refuſer pas la ſeule voye qui vous peut montrer la venité telle qu’elle eſt, & telle que je l’ay raportée.

Artamene n’eut pas ſi toſt achevé de parler, qu’il ſe fit un bruit extrémement grand, dans toute cette aſſemblée : mais avec cette difference, entre le premier qui s’eſtoit eſlevé à la fin du diſcours d’Artane & ce dernier ; qu’en celuy-là, l’on n’avoit entendu que des murmures & des doutes : & qu’en celuy cy l’on n’entendit que des exclamations & des loüanges, qui ſembloient demander aux Dieux, aux Rois, & aux Juges, la Victoire pour Artamene. Ceux meſme du Party ennemy ne pouvoient s’empeſcher de le loüer ; tant il eſt vray que la Vertu a de charmes, & que la verité eſt puiſſante. Artane voulut reſpondre quelque choſe, pour s’oppoſer à ce combat : mais on luy impoſa ſilence par des cris & par des injures, ſans que perſonne vouluſt ſeulement l’eſcouter. Toutefois les Rois n’eſtoient pas bien aiſes de la propoſition qu’Artamene avoit faite : Ciaxare eſtant faſché d’expoſer de nouveau la vie d’un homme ſi illuſtre : & le Roy de Pont n’eſtant nullement ſatisfait, que ſa Cauſe fuſt entre les mains d’Artane,