Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/300

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pas Juge en ſa propre Cauſe ; à Artamene qu’il devoit sçavoir bon gré à Philidaſpe de ce qu’il avoit voulu faire ; & les conjura tous deux, d’attendre en repos, j’arreſt que l’on alloit prononcer. Cependant les Juges furent long temps à deliberer, ſur ce qu’il avoient à reſoudre : car encore qu’l n’y en euſt pas un qui ne connuſt diſtinctement, qu’il y avoit de la fourbe du coſté d’Artane ; toutefois comme il ſe deffendoit opiniaſtrément, & que la choſe n’avoit point eu de teſmoins, ils ſe trouvoient fort embarraſſez. Ceux du coſté de Ciaxare, ne pouvoient pas condamner leur Prince, eux qui connoiſſant Artamene, ne doutoient point du tout qu’il n’euſt vaincu : & les autres quoy que perſuadez de la meſme choſe, n’oſoient pourtant condamner le Roy de Pont, parce que ce qu’ils croyoient, n’eſtoit fondé que ſur des conjectures. Ainſi apres avoir bien examiné cette affaire, ils permirent le combat à Artamene : & ordonnerent que celuy qui feroit advoüer à ſon ennemy, qu’il auroit eſté vaincu, ſeroit eſtimé le Victorieux : & que s’il arrivoit qu’il en mouruſt un ſans pouvoir parler, l’on expliqueroit la choſe, à l’avantage de celuy qui l’auroit tué. Que ce Duel ſe feroit en Champ clos, comme Artamene l’avoit deſiré ; & en la preſence des Rois ennemis. Cét Arreſt eſtant prononcé, Artamene en teſmoigna une extréme joye : & en remercia ſes Juges, d’une façon qui ſembloit luy preſager la Victoire. Il n’en fut pas ainſi d’Artane, qui s’en plaignit, & aux Juges, & au Roy ſon Maiſtre : car nous avons sçeu depuis, que comme ce Prince eſt tres brave, il le mal-traitta aſſez : & luy dit meſme aſſez rudement, que s’il avoit effectivement vaincu, il vaincroit encore : mais que s’il eſtoit un laſche,