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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/336

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pleint mon Rival : j’ay peut-estre quelque part à cette estime ; mais je n’en ay point à cette pitié : & je suis bien assuré, que dans les recompenses qu’elle me destine, elle n’y met ny son cœur, ny son affection. Elle me trait peut-estre, dis-je, de mercenaire & d’interessé, qui cherche sa fortune par sa valeur, & qui songe plus à la recompense qu’à la gloire : Mais pour le Roy de Pont, il n’en va pas de cette sorte : toutes ses actions luy parlent d’amour : la guerre mesme qu’il fait au Roy son Pere, luy en fait connoistre la violence : la generosité qu’il tesmoigne, luy persuade qu’il est digne d’estre aimé d’elle : & toutes choses enfin, sont pour luy, & contre moy. Je n’aurois jamais fait, Seigneur, si je voulois vous redire tout ce qu’Artamene dit :

Cependant comme il faloit partir le lendemain, & marcher vers l’Ennemy ; apres avoir donné l’ordre necessaire pour son départ ; & commandé plusieurs fois, que l’on s’empeschast bien d’oublier ces Armes magnifiques qu’il vouloit porter le jour de la Bataille ; il fut le matin accompagner le Roy chez la Princesse, à laquelle il alloit dire adieu. Ciaxare le loüa extrémement en ce lieu là : Mais apres l’avoir beaucoup loüé, il le blasma beaucoup aussi, de l’opinastreté qu’il avoit, à vouloir absolument porter des Armes si remarquables. Du moins (luy dit le Roy fort obligeamment) suis-je bien resolu, de vous rendre ce que vous m’avez presté : & de deffendre vostre vie, comme vous avez deffendu la mienne : Car enfin, je ne veux point que vous m’abandonniez le jour du combat. Seigneur (luy respondit Artamene, en se jettant à ses pieds) je suis trop obligé à Vostre Majesté de la bonté qu’elle a