Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/348

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Vainqueurs poursuivoient les vaincus opiniastrément : les uns se rendoient & jettoient leurs armes : les autres preferoient la mort à la captivité ; & toutes choses enfin, estoient dans un bouleversement estrangge : & tout cela, par la valeur d’Artamene, qui estoit sans doute la plus sorte cause de la victoire. Car j’avois oublié de vous dire, qu’au commencement de la Bataille, Aribée & Philidaspe avoient esté contraints par le rude choc des Ennemis de plier un peu : si bien qu’Artamene en ayant esté adverty, & se sentant assez fort pour vaincre ceux qu’il avoit en teste avec moins de Troupes ; avoit détaché deux mille hommes, & les avoit envoyez à Aribée & à Philidaspe pour les soustenir, ce qui les avoit empeschez d’estre vaincus ; & ce qui par consequent, avoit fait remporter la victoire entiere.

Dans ce grand desordre, Artamene qui n’estoit blessé qu’en deux endroits, & mesme assez legerement ; chargeoit les Ennemis & les poursuivoit, par tout où il leur voyoit rendre encore quelque combat : car pour ceux qui n’estoient plus en estat de resister, il ne fut jamais un vainqueur si doux ny si clement qu’Artamene. Comme il estoit donc engagé en cette poursuite, il reconnut le Roy de Pont, que Philidaspe pressoit estranggement : & qui estant suivy de douze ou quinze, l’auroit infailliblement tué ; si mon Maistre, suivy de Feraulas, de moy, & de deux autres encore, n’y fust heureusement arrivé. D’abord qu’il approcha, haussant la voix autant qu’il pût ; & escartant ceux qui secondoient Philidaspe en son dessein ; genereux Prince, dit il au Roy de Pont, comme vous n’estes pas si heureux que moy, quoy que vous soyez plus vaillant ; vous n’eschapperez