Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/359

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comme l’Ennemy de vostre Roy, & n’oubliez rien pour me vaincre : car je vous promets de ne refuser à pas un de vous, de mesurer mon Espée contre la sienne : attaquez moy mesme plusieurs ensemble, si vous avez assez bonne opinion de moy, pour n’oser pas m’attaquer seuls : mais ne marchandez jamais, le sang ny la vie de personne : & faites que l’espoir d’un gain infame, ne vous mette jamais en estat de le devenir. Ha ! Seigneur, s’escrierent ces deux Chevaliers en l’interrompant, nous passerions plustost nos Espées à travers nostre cœur, que de les tirer plus contre vous : & que de les employer jamais à faire une mauvaise action.

Apres cela, Artamene les carressa fort : & ayant sçeu qui estoit celuy qui tenoit Artane prisonnier, qui s’estoit caché autant qu’il avoit pû ; il luy envoya commander de le luy amener, dans la Tente où estoient ces deux Chevaliers. D’abord qu’il y fut, & qu’il les eut reconnus, il jugea bien qu’il estoit descouvert : c’est pourquoy sans attendre qu’Artamene luy parlast, & luy reprochast son crime ; je connois bien, luy dit il, que ces Traistres que je voy, qui n’ont pas eu la force de resister à des promesses, ont eu la perfidie de m’accuser. C’est pourquoy-je ne m’arresteray point, à vouloir me justifier d’une chose, dont ils me pourroient facilement convaincre. Mais, Seigneur, (luy dit il d’une façon toute suppliante, & où la crainte de la mort paroissoit visiblement) que vouliez vous que fist un homme qui en perdant l’honneur avoit perdu la raison ? sinon de tascher d’effacer son crime par un autre crime : & trouver son salut dans vostre perte. Je sçay bien, que c’est dire une mauvaise raison : mais n’en ayant point d’autre, il faut avoir recours