Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/372

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rendirent aupres du Roy, qui s’en revint à Sinope. Je ne vous diray point, Seigneur, comment Artamene & Philidaspe furent reçeus de Ciaxare & de la Princesse : car vous pouvez aisément juger, que ce fut avec toute la civilité & toute la joye, que leurs grands services meritoient. Comme ils s’estoient importunez en prenant congé de la Princesse, ils s’importunerent encore à leur retour : & la premiere fois qu’ils virent Mandane à son Apartement, ils s’y rencontrerent à l’ordinaire. Il sembla à Feraulas qui s’y trouva, & qui estoit parfaitement guery de ses blessures, que la Princesse en eut de l’inquietude & du chagrin : neantmoins elle ne laissa pas d’avoir pour eux, tous les charmes qui peuvent captiver les cœurs les plus rebelles à l’amour. Et par une complaisance adroite, qui n’avoit rien be bas, ny d’affecté ; elle destourna la conversation d’une façon si ingenieuse ; qu’elle ne leur donna aucune occasion, de renouveller les differens qu’ils avoient eus ensemble, pendant la derniere Campagne, & que la Princesse n’ignoroit pas. Quand vous pristes congé de moy, leur dit-elle, je me souviens que je vous priay de vous conserver si bien, que ce fust de vostre bouche, que je pusse apprendre les particularitez de la Victoire : Mais aujourd’huy je vous dispence de cette peine : & j’ay une si forte aversion pour la guerre ; que je n’aime pas mesme à entendre parler souvent des glorieux advantages que le Roy mon Pere a remportez par vostre valeur. Ne craignez pourtant pas, poursuivit-elle, que je les ignore, ny que je les oublie ; la Renommée aime trop Artamene, & ne haït pas assez Philidaspe, pour ne publier point jusques à leurs moindres actions : & mon ame est trop reconnoissante,