Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/391

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leur amour : de sorte Seigneur, que tout ce que l’adresse, la force, & la valeur peuvent faire, ils le firent en cette occasion. Artamene pressa son ennemy ; son ennemy le pressa à son tour ; quelques fois ils ruserent, & voulurent mesnager leurs forces : un moment apres, ils voulurent vaincre ou mourir : & tous deux enfin se disputerent si opiniastrément la victoire ; qu’ils s’en estimerent encore depuis, beaucoup plus qu’auparavant, quoy qu’ils ne s’en aimassent pas davantage. Mais sans m’auser à vous raconter plus precisément tout ce qui se passa en ce furieux combat ; je vous diray seulement, que mon Maistre blessa Philidaspe en six endroits, & qu’il ne reçeut que trois blessures. Ils estoient en cét estat, lors qu’Artamene desesperé de se voir resister si long temps ; jettant son Bouclier deriere son dos ; pressant son Cheval des talons & de la voix ; & haussant l’espée de toute l’estenduë de ses bras ; la fit tomber si terriblement sur la teste de Philidaspe ; qu’il le fit trébucher à demy pasmé, entre les pieds de leurs Chevaux ; luy arrachant son espée de la main comme il tomboit. A l’instant mesme mon Maistre se jettant à vas de son Cheval, & tenant ces deux Espées, courut à luy fierement, & luy cira, Philidaspe, si tu peux te relever je te le permets, & je te rends ton Espée pour recommencer : mais si tu ne le peux pas, advoüe qu’Artamene estoit digne d’estre ton Amy, si ta mauvaise fortune l’eust voulu permettre. Philidaspe à ces mots, revenant de son estourdissement, voulut faire effort pour se relever, mais il luy fut impossible. De sorte que regardant mon Maistre avec des yeux d’où le feu sembloit sortit ; tu as vaincu, luy respondit-il en gemissant ; mais tu ne vaincras peut-estre