Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/419

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les premiers tranſports de ma paſſion : mais je penſe qu’il eſt à propos que vous les sçachiez, afin que vous ne vous eſtonniez point, de voir avec quelle violence j’en ay eſté tourmenté, dans la ſuitte de ma vie. Apres avoir donc paſſé la nuit avec beaucoup d’agitation, je me levay aſſez matin : & je voulus me rendre chez Artambare avec mon Pere, afin de l’accompagner quand il iroit chez le Roy : me ſemblant que c’eſtoit en quelque façon rendre ſervice à Ameſtris, que d’en rendre à une perſonne, qui luy eſtoit ſi proche & ſi chere. En effet, Artambare apres avoir ſalüé mon Pere, me remercia de cette derniere civilité, comme d’une choſe qui l’obligeoit beaucoup : car il n’ignoroit pas que je n’eſtois pas mal avec Aſtiage. Nous fuſmes donc chez le Roy : où il me fut impoſſible de ne parler pas d’Ameſtris, à autant de gens que j’y rencontray. J’annonçay à tous ceux que je sçavois qui avoient deſja de l’amour, que leur conſtance alloit eſtre miſe à une dangereuſe eſpreuve : & à tous ceux qui n’en avoient pas, qu’ils ne viſſent point Ameſtris, s’ils vouloient conſerver leur liberté. Enfin je puis dire, que j’en parlay tant, que j’en parlay trop ; comme vous sçaurez par la ſuite de mon diſcours. Il y avoit pourtant des momens, où je me demandois à moy meſme, quel deſſein j’avois, en voulant gagner tant de cœurs à Ameſtris ? & où un ſecret ſentiment de jalouſie me faiſoit taire au milieu de mon diſcours. Le meſme jour ayant voulu aller chez Hermaniſte, j’appris qu’on ne la voyoit pas : parce qu’elle s’eſtoit trouvée un peu mal la derniere nuit.