Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/455

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Pour moy (repartit Amestris, sans croire encore qu’Arbate voulust s’expliquer plus clairement) je ne conseillerois jamais à personne, de donner ny de recevoir des chaines : & de mon consentement, nul de mes Amis ne sera jamais malheureux. Ha Madame, luy dit alors Arbate, demeurez tousjours dans un sentiment si juste, & ne vous en repentez jamais. Le repentir des choses equitables, respondit Amestris, seroit sans doute un crime, c’est pourquoy je n’ay garde d’y tomber. Cela estant ainsi, Madame, repliqua-t’il, comment souffrez vous qu’il y ait un homme au monde, qui vous adore avec un respect sans pareil ; & dans un silence dont la rigueur ne se peut exprimer ; sans adoucir ses malheurs, par un regard favorable ; vous qui dites que de vostre consentement, nul de vos Amis ne sera jamais malheureux ? Amestris fut quelque temps sans respondre : & ne sçachant si Arbate vouloit parler pour Megabise, pour moy, ou pour luy ; elle fut si surprise de ce discours, qu’elle ne sçavoit pas trop bien comment l’expliquer. Neantmoins le premier desordre de son esprit estant passé ; je ne sçay Arbate (luy dit-elle, d’un ton de voix un peu eslevé, ) si vous avez dessein suivant vostre humeur ordinaire, de me faire preferer la solitude à la conversation : mais je sçay bien que si la vostre ne change, elle m’obligera de vous conseiller d’aller chercher le repos dans vostre Cabinet : & de ne troubler plus le mien dans ma Chambre. Je ne le sçaurois plus trouver qu’aupres de vous (reprit precipitamment Arbate, qui estoit assez violent de son naturel, quoy qu’il parust froid & melancolique, à ceux qui ne le connoissoient gueres ; ) Je pense Arbate (luy dit alors Amestris, en le regardant avec