que trop, luy repliqua-t’elle ; & il luy seroit plus advantageux, que je le connusse moins. Vous ne sçavez pourtant pas Madame, adjousta-t’il, que celuy qui vous parle, vous aime avec une telle violence, qu’il n’est point de crime qu’il n’ait commis pour vous : il a trahi ses Amis ; il a trahi ses plus proches ; il s’est deshonoré luy mesme ; & il n’est rien enfin qu’il n’ait fait, & qu’il ne soit capable de faire, pour posseder vostre affection : & pour empescher que personne ne la possede. C’est pourquoy Madame, poursuivit-il, je vous declare ce que j’ay fait, afin que vous connoissiez ce que je suis capable de faire. S’il y à quelqu’un de mes Rivaux, adjousta-t’il, qui vous déplaise, faignez de luy vouloir du bien, & je vous en defferay bien tost : mais si au contraire, continua-t’il encore, Megabise ou Aglatidas sont plus heureux que moy ; si vous les voulez conserver, cachez de telle sorte les sentimens advantageux que vous avez pour l’un ou pour l’autre ; que JE ne m’en aperçoive pas, & qu’ils ne s’en aperçoivent pas eux mesmes. Megabise & Aglatidas, repliqua Amestris, sont à mon advis plus sages que vous : Je ne sçay Madame, respondit-il, s’ils sont plus sages : mais je sçay bien que s’ils sont plus heureux, ils ne le seront pas long temps. A ces dernieres paroles, Amestris entra en une si grande colere, qu’il n’est rien de facheux & de rude, qu’elle ne dist à Arbate : qui se repentit sans doute plus d’une fois de sa violence, quoy que ce fust inutilement : cét homme si fin & si rusé, ayant perdu en cette rencontre, par la force de sa passion & de sa douleur, toute sa ruse & toute sa finesse. Ils en estoient là, lors que l’on advertit Amestris, qu’il venoit du monde pour la visiter : mais comme elle se sentoit l’esprit un
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