Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/474

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battoit, il me fit quelque pitié : & il ne seroit point mort, si luy mesme n’eust causé sa perte. Apres que nostre combat eut duré quelque temps, il remarqua que je l’espargnois : & ce qui le devoit fleschir fut ce qui l’irrita davantage. De sorte que voulant passer sur moy, il prit mal ses mesures & s’eslançant avec violence, il s’enferra de luy mesme, & mon espée luy entra dans le corps jusqu’à la garde. Je la retiray au mesme instant : mais en la retirant il sembla que j’eusse donné un passage plus libre à son ame ; car il expira un moment apres sans pouvoir parler. Je vous advoüe, Seigneur, que je ne fus jamais guere plus affligé, que je me le trouvay alors : car enfin j’avois aimé cherement Arbate : de plus, je j’avois tué de l’espée de son Frere : & ce qui m’estoit le plus sensible & le plus important, c’estoit que je voyois bien que cette mort reculeroit mon mariage, & me forceroit de ne paroistre point à la Cour durant quelque temps : Arbate estant d’une condition trop relevée, pour pouvoir faire que la chose allast autrement. Cependant au mesme instant qu’Arbate avoit voulu passer sur moy, il estoit venu du monde, qui avoit veû son action & la mienne, & qui en rendit tesmoignage en suitte quand il en fut besoing : mais comme ma douleur estoit extréme, apres avoir prié ces gens de prendre soing du corps de mon infidelle & infortuné Amy ; je m’en allay chez un de mes parens, qui avoit une Maison assez proche de ce lieu-là. Je n’y fus pas plustost, que que j’envoyay vers mon Pere, vers Artambare, & vers Amestris, pour leur aprendre ce qui m’estoit arrivé : & je n’oubliay rien de tout ce que je creus devoir faire, en une occasion si fascheuse. Je