Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/506

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figurée telle : je voyois mon Rival absent, & la confidente de ma passion esloignée : si bien que je ne pouvois ny me pleindre ny me vanger. En ce déplorable estat, ne sçachant quelle resolution prendre, je demeuray encore deux jours caché dans un Vilage qui est assez prés de la Ville, pour tascher de descouvrir où estoit allé Megabise : mais quoy que je pusse faire, je n’en pus rien aprendre avec certitude. L’on me dit seulement, qu’il avoit pris le mesme chemin que l’on a accoustumé de prendre, pour aller dans la Province des Arisantins, qui estoit le lieu de ma retraite : neantmoins comme ce chemin est croisé par plusieurs autres, je ne devois pas faire un grand fondement là dessus. Toutefois je ne laissay pas de m’imaginer, que pour posseder Amestris plus en repos, Megabise s’estoit peut-estre resolu de m’aller chercher, pour se rebattre contre moy. Cette pensée eut à peine fait quelque legere impression dans mon esprit, que je montray à cheval, & que je m’en retournay : m’informant exactement par les chemins de ce que je cherchois. Je creus quelques fois l’avoir trouvé : peu de temps apres je connus que je m’estois trompé : & j’arrivay enfin au lieu d’où j’estois party, sans avoir eu de veritables nouvelles de Megabise. A mon retour, je trouvay une Lettre d’Amestris, que l’on avoit reçeuë durant mon absence : qui m’affligea autant, que raisonnablement elle me devoit plaire, si je n’eusse pas eu l’esprit preoccupé. Mais comme elle n’estoit pas extrémement longue, & qu’elle ne servit pas à la resolution que je pris en suitte ; il faut que je vous la die : car si je ne me trompe elle estoit telle.