tout ce qui me pourra soulager. Si cela est, me respondit-il, ne negligez pas ce que je m’en vay vous dire : & sçachez qu’en l’estat qu’est vostre ame, j’ay trouvé un remede infaillible, ou pour vous oster l’amour que vous avez pour Amestris ; ou pour faire qu’Amestris la satisface. Si j’escoute la raison, luy dis-je, j’aimeray mieux le premier que l’autre : & si j’escoute mon cœur, je prefereray le second au premier. Sçachez donc, me dit alors Artabane, que comme l’amour est une passion si noble, qu’elle ne peut-estre recompensée que par elle mesme : elle est aussi si puissante, qu’elle ne peut-estre vaincuë que par ses propres forces. Il faut aimer, pour cesser d’aimer : & la haine qui succede à l’amour, n’est pour l’ordinaire qu’une amour déguisée, sous les apparences de la colere : & qui est plus redoutable & plus dangereuse, que si elle paroissoit avec les marques qui luy sont naturelles. Enfin Aglatidas, me dit-il, il faut se guerir d’une passion par une autre passion : & pour n’aimer plus Amestris, il faut aimer une autre beauté. Helas, luy repliquay-je alors, qu’il est aisé à Artabane, de donner un semblable conseil, & qu’il est difficile à Aglatidas de le suivre ! Mais, me respondit-il, le remede que je vous enseigne, est pourtant le meilleur de tous : & n’est pas si impossible que vous le croyez. Veritablement, poursuivit-il ; tant que vous demeurerez dans la solitude où vous vivez, il ne sera pas aisé que vous vous trouviez engagé dans une nouvelle amour : mais il faut voir celles qui en peuvent donner ; il faut s’exposer au peril des flots, & se jetter mesme dans la mer, quand on veut se sauver d’un naufrage : & il est des maux si dangereux, & des remedes si extraordinaires, qu’il faut se mettre en danger de
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