Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/526

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perfidie, je ne l’aurois jamais creuë : non pas mesme quand vous m’en auriez assuré. Mais comme je ne vous aurois pas cruë, adjoustay-je, si vous m’eussiez parlé contre elle : je ne vous croiray pas non plus, aujourd’huy que vous la voulez justifier. Non, Menaste, ne m’en parlez jamais : Amestris m’a trahi, & je l’ay quittée : Amestris ne m’a pas jugé digne de son affection ; & je ne la juge plus digne de la mienne : quoy qu’elle la soit tousjours, à l’infidelité prés, de l’admiration de toute la Terre. Mais enfin comme je suis asseuré qu’elle a eu pour moy de la haine ou de mespris, je suis dispense de la fidelité que je luy avois promise. J’advouë, me dit Menaste, que si elle est coupable, vous estes moins criminel : Mais vous n’estes pourtant pas innocent. Car enfin, vous estes vous pleint à Amestris ? l’avez vous accusée ? & luy avez vous donné lieu de se justifier, ou de se repentir ? Il faut se pleindre, luy dis-je, lors que l’on est en doute du crime de la Personne aimée, ou que ce crime est si petit, qu’on le peut effacer en l’advoüant ; mais lors que l’offence est de la nature de celle que j’ay reçeuë, les pleintes ne serviroient qu’à donner nouvelle matiere de se laisser tromper. Espargnons cette peine à Amestris, pousuivis-je, & ne la forçons pas d’advoüer une chose, qu’elle ne pourroit advoüer sans confusion : toute preoccupée qu’elle est, de l’amour qui la possede. Menaste estoit si surprise de m’entendre parler de cette sorte, qu’elle ne pouvoit me respondre : car comme Amestris ne luy avoit rien dit de la conversation qu’elle avoit euë avec Megabise ; elle ne pouvoit imaginer nul pretexte à mes pleintes : & elle creut que pour excuser mon inconstrance, je luy supposois un