Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/53

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luy ; il fit des choses prodigieuses. Il tua tout ce qui s’opposa à son passage ; & blessa Aribée en tant de lieux, qu’enfin il se seroit sans doute resolu de se rendre ; si tout d’un coup une maison enflamée ne fust tombée si prés du lieu où ils combatoient, qu’Aribée en fut enseveli sous ses ruines : & l’on creut qu’il avoit peri par le fer & par le feu, pour expier une rebellion criminelle, qui meritoit tous les deux ensemble. Artamene qui n’avoit pû estre blessé par son Ennemy, pensa estre accablé en cette rencontre, & se vit tout couvert de flame ; tout environné de charbons & de fumée : & s’il n’eust mis son Bouclier sur sa teste, il estoit infailliblement perdu. Toute sa Cotte d’armes en fut à demy bruslée : & peu s’en falut qu’il ne perist en cette rencontre. La chutte de cette maison, fit qu’il s’esleva en l’air une poussiere si espaisse : une fumée si noire ; & une nuée d’estincelles si bruslantes, que l’on fut quelque temps sans pouvoir rien voir de tout ce qui se passoit en ce lieu là. Ce qui surprit Artamene en cette occasion, fut que lors que cette maison embrazée tomba, Aribée, qui à ce qu’on pouvoit juger par son action, avoit eu dessein de se rendre, s’estoit reculé de quatre ou cinq pas : si bien que par là, il sembloit estre allé au devant de ce qui le devoit accabler : & par un miracle de la Fortune, Artamene, qui le touchoit de la pointe de son espée, ne se trouva pourtant point engagé sous ces perilleuses ruines. Apres cét accident, tout ce qui le secondoit s’estonna & s’enfuit : & nostre Heros faisant crier ; & leur criant luy mesme, qu’il venoit pour les servir, & qu’il ne vouloit point leur perte ; les obligea enfin à jetter leurs armes ; & à se fier en la parole d’un Vainqueur, qui’ls avoient autre-fois tant aymé. Ainsi en fort de peu temps,