Aglatidas me voyoit, s’il ne partageroit point ma douleur ; & s’il ne se repentiroit point de son crime. Mais quoy qu’il en soit, Menaste, il faut nous justifier : il faut qu’il voye, que sa jalousie a esté mal fondée : il faut que je meure de déplaisir : & si mes vœux sont exaucez, il faut qu’il pleure ma mort eternellement. En achevant de prononcer ces tristes paroles, on la vint querir pour aller au Temple, & je la suivis toute en pleurs. Tous ceux qui la virent en pleurerent : tous ceux qui ont sçeu ce mariage s’en sont estonnez : Megabise quoy qu’assez constrant en cette occasion, en a pourtant paru fort touché : Artabane à qui je l’apris fut sur le point de troubler la ceremonie, qui estoit presque achevée, lors qu’il entra où nous estions : Otane luy mesme en a esté surpris, & n’est pas si satisfait qu’il le devroit estre : parce qu’il ne sçait pas trop bien d’où ce bonheur luy est arrivé : & qu’il a trop de deffauts, pour ignorer qu’il ne peut pas estre aimé. Enfin tout le monde en parle, & tout le monde en dit ce qu’il en pense, sans rencontrer la verité : n’y ayant qu’Amestris & Menaste, qui sçachent qu’Aglatidas est la seule cause, d’un mariage si injuste, si déraisonnable, & si mal assorty. Ne me demandez point apres cela, me dit elle, ce que fait Amestris, depuis ce funeste jour : elle est si melancolique, & si changée, que je ne la puis voir sans pleurer : & si vous la voiyez vous mesme, vous en auriez de la douleur.
Comme nous en estions-là, Artabane pour achever de me rendre malheureux, ayant enfin descouvert où j’estois, vint m’y trouver comme j’escoutois Menaste : il ne me vit pas plus tost, que venant à moy, ha cruel Amy, s’écria-t’il, qu’avez vous fait ? & pourquoy m’avez vous fuy si opiniastrément,